9.11.07

Un dentiste au tribunal

C'est dans le Dauphiné Libéré du jeudi 8 novembre 2007, page 3 : Un dentiste au tribunal (trouvé via Gontrand Cherrier). Après le docteur Faraj Chemsi, ce n'est ni le premier ni le dernier médecin à vouloir sortir du soviétisme à la française. Voir dans mon post du 6/11 quelle sera la réaction probable du juge.

Edition du 8/11/2007
SANTÉ : Le praticien veut "quitter" la sécurité sociale
Un dentiste au tribunal
Philippe FRIEH

VIENNE: Plus de doute sur la question, Georges Gayet a bien une dent contre l'Urssaf de Vienne, où il est immatriculé.

Le docteur Gayet, chirurgien-dentiste à Vienne, est convaincu de son bon droit : il souhaite quitter la sécurité sociale pour un organisme privé et a cessé de régler ses cotisations à l'Urssaf, qui a sollicité sa convocation la semaine prochaine devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Vienne.

L'organisme d'encaissement de la sécurité sociale vient en effet de saisir le TASS (tribunal des affaires de sécurité sociale), devant lequel ce chirurgien-dentiste est sommé de s'expliquer le 15 novembre.

Le praticien, qui exerce à Vienne depuis 1980, est entré en guerre contre le système de la sécurité sociale française, depuis qu'il a tout bonnement manifesté son intention de la "quitter" pour s'assurer auprès d'une société d'assurance européenne : « Fin 2006, j'ai averti l'Urssaf que je cotiserai désormais auprès d'une caisse d'assurance anglaise ». La motivation du docteur Gayet, qui, à 51 ans, a encore une bonne quinzaine d'années de travail devant lui, « est évidemment financière », puisqu'il nourrit l'espoir, par ce biais, de diminuer ses charges. D'autant qu'une nouvelle convention dentaire a récemment modifié à la baisse la participation de l'assurance maladie aux cotisations sociales des praticiens, dès lors qu'ils présentaient un taux de dépassement de leurs honoraires trop élevé.

« Toute personne qui vit et travaille en France est tenue à un régime obligatoire »

Courroucé par l'étroitesse du système « on n'est plus une profession libérale », Georges Gayet a décidé de claquer la porte de l'Urssaf, en appuyant ses démarches sur des directives européennes. « D'après les textes européens, transposés aux textes français, j'en ai le droit », affirme le chirurgien-dentiste. Selon lui, « le monopole de la sécurité sociale a bien été abrogé et elle a été mise en concurrence ».
À l'Urssaf, on s'en doute, on n'est pas d'accord. « Cette personne, qui se doit de cotiser auprès de la branche profession libérale de l'Urssaf, a peut-être espoir de payer ses charges en Angleterre, mais c'est totalement impossible », explique un membre du conseil d'administration. « Toute personne qui vit et travaille en France est toujours tenue à un régime obligatoire, celui de la sécurité sociale », ajoute Caroline Zinni, directrice de la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne, alimentée par l'Urssaf pour le financement des prestations du régime général de la sécurité sociale (voir en "Repères"). « Les directives européennes, qui ne remettent aucunement en cause le monopole de la sécurité sociale, ne concernent que les assurances complémentaires, type mutuelles », précise-t-elle.
« Faux ! », relève le dentiste, qui entend dénoncer une interprétation des textes selon lui couverte en haut lieu.

Le docteur n'ira pas au TASS

Ne percevant plus ses cotisations, l'Urssaf a lancé la procédure habituelle : rappel, mise en demeure et convocation devant le TASS de Vienne. Un appel à la barre auquel Georges Gayet ne va pas répondre. Il ne croit pas à l'objectivité d'une juridiction où « la sécurité sociale serait juge et partie » et va donc adresser une "requête en suspicion légitime" des magistrats du TASS pour démontrer leur incompétence en la matière. Très confiant, il espère pouvoir s'expliquer devant une juridiction de droit commun. « Je crois en la justice de mon pays », allègue-t-il.
Du côté de l'institution, on estime que l'heure n'est pas à la révolution, comme l'atteste Caroline Zinni : « Si on verse dans les assurances privées, c'est la fin d'un principe simple, celui de la solidarité. Et ce choix n'a pas encore été fait par la Nation ».

REPÈRES

COMMENT ÇA MARCHE ?
L’Urssaf (union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) est l’organisme de collecte des cotisations et contributions sociales. Les sommes récoltées (322,8 milliards d’E en 2006) servent à financer les prestations du régime général de la Sécurité sociale : soins médicaux, indemnités d’accidents du travail, retraites, allocations familiales. Les ressources de la sécurité sociale sont principalement constituées de cotisations patronales et salariales, de la CSG, la CRDS sur les revenus d’activités, des contributions sur les revenus deremplacement et du patrimoine, et de taxes diverses, mises à destination des caisses prestataires.

LA FIN DU MONOPOLE ?
Quelques milliers de Français se sont déjà engouffrés dans la brèche et souhaitent “quitter” la sécurité sociale pour souscrire des assurances privées, auprès d’organismes assureurs établis dans d’autres pays de l’Union européenne. Parmi eux, quelques chirurgiens-dentistes, dont le chef de file est le docteur Claude Reichman, président du Mouvement pour la liberté de la protection sociale (MLPS). Comme le docteur Gayet, ils s’appuient sur des textes européens qui stipuleraient la fin du monopole français de la sécurité sociale. Selon la Sécurité sociale, les personnes qui cesseraient de cotiser à l’Urssaf s’exposent pourtant à des sanctions financières et à des poursuites pénales.

A NOTER

L’ordre départemental des chirurgiens-dentistes, dont l’avis a été sollicité, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet, pour « des raisons d’ordre déontologique ». L’ordre national des chirurgiens-dentistes, pour sa part, s’est positionné contre les démarches d’abandon de l’affiliation à la sécurité sociale. [Note de Laure : ah, syndrome de Stockholm, quand tu nous tiens...]

11 commentaires:

all a dit...

Deux remarques
Notre dentiste conteste ses versements à l'URSSAF, pour la partie assurance maladie d'après ce que j'ai compris.
Et il cotise toujours à la CARD ? Logique avec lui-même il devrait aussi quitter la caisse de retraite par répartition de sa profession, garantie par l'état, dont les cotisations représentent une part bien plus importante de ses revenus que celles de l'URSSAF.

"D'autant qu'une nouvelle convention dentaire a récemment modifié à la baisse la participation de l'assurance maladie aux cotisations sociales des praticiens, dès lors qu'ils présentaient un taux de dépassement de leurs honoraires trop élevé.". C'est ça l'élément déclencheur de sa position de refus ? Que des cotisations non prises en charges par l'état augmentent sa contribution cer il s'est mis hors convention avec la sécu... Plus corporatiste tu meurs.

Il n'est pas libéral notre arracheur de dents, il fait juste de petits comptes de marin-pêcheur.

Laure Allibert a dit...

Rien ne dit qu'il continue de cotiser à la CARD, cela dit à son âge il aurait tort d'arrêter, vu tout ce qu'on lui a déjà volé en cotisations retraites, il n'a plus que l'espoir de vivre de l'argent volé aux autres.

Par ailleurs, je ne sais pas où vous voyez que la CARD est "garantie par l'Etat" vu que ce n'est pas un organisme étatique (comme toutes les autres mutuelles ou caisses). D'ailleurs on a déjà vu des caisses de retraites faire faillite (cf celle des bouchers).

Sinon, avant de traiter le dentiste de comptable mesquin, je vous invite à méditer cette phrase qui figure dans les citations de mon blog : "Quand on cesse de compter, c'est la peine des hommes que l'on cesse de compter".

sam a dit...

Je ne vois pas le probleme.

Ce dentiste demande simplement que la loi Francaise soit appliquee.

Ou se trouve le probleme lorsque l'on demande que la loi de notre pays soit appliquee? Cela constitue-t-il un probleme que la loi permette d'y trouver un avantage financier?

A ce tarif la, il faut aussi interdire de faire du commerce puisque l'on y fait des profits!

all a dit...

La garantie de l'état pour la CARD heureusement qu'ils l'ont, car la caisse serait en faillite depuis 10 ans au moins et un gros paquet de dentistes va partir à la retraite dans la décennie, avec beaucoup moins de jeunes qui s'installent.

Cela dit je ne conseille à personne de faire la grève des cotisations retraites, le précédent avec le CDCA a été un désastre pour les adhérents de ce mouvement(ça mal fini d'ailleurs pour Poucet)

Pour les comptes je me suis mal expliqué : si la sécu continuait à lui payer une partie de ses cotisations, bien qu'il se soit placé hors convention, il semble qu'il paierait l'URSSAF.
On ne peut pas demander à avoir des honoraires libres hors tarifs sécu et demander que la sécu paye ses cotisations à sa place.

all a dit...

@Sam
On verra le jugement du TAS qui sera suivi certainement du conseil d'état de de la cour européenne.

Laure Allibert a dit...

La garantie de l'état pour la CARD n'a aucune valeur juridique, elle pourrait cesser du jour au lendemain, et elle cessera effectivement quand la faillite de l'Etat surviendra (cf l'Argentine il n'y a pas si longtemps).

Il y a (au minimum) des centaines d'exemples de gens qui ont quitté la SS, aucun n'est parvenu à la Cour européenne car il faut avoir épuisé tous les recours nationaux + sortir énormément d'argent, et ça prend des années. Il y a eu quelques cas en cour de cassation, qui n'ont pas abouti (voir mon post du 6/11 pour en connaître la raison profonde).

Philippe a dit...

Le problème dans toute cette affaire c'est la manière dont les voies de recours contentieuses sont "verrouillées" et quasi-interdites aux requérants individuels au niveau communautaire.

En fait les conditions de validité du recours sont tellement contraignantes qu'il est devenu impossible de contester un acte de portée générale et réglementaire devant la CJCE.

La seule hypothèse que je vois : se faire dénoncer par un petit copain (je pense à nos amis anglais ou polonais) à la Commission qui engagerait une procédure (manquement d'Etat, etc...)en prenant en compte la législation francaise.

Si l'un des commentateurs de ce blog connaît un chef d'Etat européen et dîne avec lui tous les soirs (et plus si affinités) eh bien versez lui en un mot, à l'UE la dénonciation est gratuite.

BLOmiG a dit...

très intéressant. Ce gars là est courageux, et/ou égoïste.
Tu nous tiens au courant de ce que ça donnera ???

Laure Allibert a dit...

Je vous tiendrai au courant si j'ai des infos... Malheureusement, le plus souvent, je n'en ai pas, ce qui signifie que le procès est perdu, à moins que par des pirouettes juridiques l'avocat ait pu prolonger le suspense.

georges a dit...

Bon! Je suis le rebelle de l'article.
1°/ Je ne cotise plus à la CARCD qui a reconnu son "statut privé"(voir le site de Gontrand Cherrier)
2°/ Tous les recours ne sont pas épuisés et je ne suis pas pressé.
3./ Est-ce de l'égoïsme que de vouloir faire appliquer ses droits de citoyens?
4./ La solidarité est faite par l'impôt et pas par les charges sociales ( Supprimer les charges sociales des pêcheurs, c'est à dire les recettes de la Sécu, c'est transférer un problème financier de l'Etat vers... la Sécu ...Etonnant non?)

Merci pour vos commentaires et je vous en supplie, faites passer le message
:" 1/Fin du monopole de Sécurité sociale = mise en en concurrence et NON PAS Suppression de la Sécu!!!
2/Mise en concurrence = Baisse des charges sociales = Augmentation du pouvoir d'achat et amélioration de contrôle des dépenses...."

A+ georges

Laure Allibert a dit...

Bravo Georges !

Tenez-nous au courant.

Si vous avez un email, communiquez-le moi à laure_allibert at hotmail.com, que je puisse vous inviter à notre forum...